La perte de la nationalité belge est souvent vécue comme une véritable injustice, les anciens Belges se sentant dépossédés d'une partie de leur identité. Ces anciens Belges peuvent tenter de récupérer leur nationalité via la procédure de recouvrement. L’impact d’une telle procédure est toutefois limité puisqu’elle ne s'applique qu'à l'intéressé et n'a pas d'effet rétroactif automatique pour l’instant, ce qui peut avoir des conséquences importantes, en particulier pour la nationalité des enfants.
- La perte de nationalité et l’interdiction de double nationalité avant 2008
Avant avril 2008, le droit belge interdisait la double nationalité. Face aux évolutions sociétales, la Belgique a reconnu qu’une telle règle n’était plus en phase et a abrogé cet article de loi. Cette abrogation n’a toutefois pas permis aux anciens Belges de récupérer leur nationalité sans passer par une demande de recouvrement.
En novembre 2021, le Tribunal de la Famille de Bruxelles a été saisi du sort d’une ancienne citoyenne belge, devenue Canadienne en 2002 et ayant ainsi perdu sa nationalité belge (en application de l’article 22 ancien du code de la nationalité belge). La requérante souhaitait récupérer sa nationalité belge. Le Tribunal a considéré que, bien que le droit à la nationalité soit une prérogative propre à chaque État membre, lorsque la perte de la nationalité belge entraîne également la perte de la citoyenneté européenne, une analyse au regard du droit européen est nécessaire, en particulier au regard du principe de proportionnalité de la mesure par rapport à l’objectif légitime visé. Le Tribunal a estimé que l'abrogation de l’interdiction de la double nationalité en 2008 suffisait à conclure que l'application de l’article 22 ne répondait pas, ou ne répondait plus, à un objectif légitime. De plus, le Tribunal a ajouté que, puisque cette perte de nationalité opérait de plein droit et, par définition, sans nuance, elle était arbitraire, ce qui était en tout état de cause contraire au droit de l’Union. Dans ce contexte, Tribunal a conclu que l’article 22 du code de la nationalité belge ne pouvait pas entraîner la perte de la nationalité belge pour la requérante, de sorte qu’elle était toujours (et avait toujours été) belge (TPI. Bruxelles, 12 novembre 2021, affaire 13/5399/B). - La perte de la nationalité belge à 28 ans en l’absence de déclaration de maintien de nationalité
Avant 2018, les Belges nés à l'étranger souhaitant maintenir leur nationalité belge devaient déclarer, avant leurs 28 ans, leur volonté de conserver cette nationalité auprès de l’ambassade. Depuis 2018, il suffit de commander un passeport ou une carte d’identité belge entre 18 et 28 ans pour maintenir sa nationalité.
En novembre 2023, le Tribunal de la Famille de Bruxelles a été saisi dans le cadre d’une perte de la nationalité belge à 28 ans en raison de l'absence de déclaration de maintien de nationalité. Le requérant demandait au Tribunal de constater l’absence de perte de nationalité en sur base du droit européen. En application de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), le Tribunal a estimé qu’une analyse au regard du principe européen de proportionnalité était nécessaire. Sachant que la législation belge a été modifiée en faveur des Belges ayant commandé un passeport avant leurs 18 ans, précisément en raison des conséquences disproportionnées que cette règle pouvait engendrée, le Tribunal a conclu que cette règle était disproportionnée. Le Tribunal a ajouté que les procédures de recouvrement actuellement prévues par le droit belge ne s’appliquent que pour l’avenir, ce qui ne respecte pas la jurisprudence de la CJUE qui considère que les citoyens de l’union doivent se voir offrir une possibilité de recouvrement rétroactif. Le Tribunal a alors conclu que l’article 22 du code de la nationalité belge devait être écarté, de sorte que le requérant était toujours belge (T.PI. Bruxelles, 24 novembre 2023, affaire 22/5888/B).
Ces deux décisions méritent d’être applaudies et devraient aider à faire progresser la situation des anciens Belges négligés par les réformes successives du code de la nationalité belge.
Céline Verbrouck
Avocate associée Altea
Spécialiste en droit des étrangers et droit international privé de la famille