Porte d’entrée avocat Altea Bruxelles Belgique
Porte d’entrée avocat Altea Bruxelles Belgique
Slide One

Droit administratif et constitutionnel
Droit des étrangers
Droit familial international

Slide One

Droit administratif et constitutionnel
Droit des étrangers
Droit familial international

previous arrow
next arrow

Altea avocat

Actualités


Un enfant peut-il contester la paternité du mari de sa mère à n’importe quel moment ? La Cour constitutionnelle offre une voie royale à l’action intemporelle et confirme la fin du règne de la possession d’état

Le 3 février 2016, la Cour constitutionnelle a rendu un arrêt n° 18/2016 dans le cadre de l’affaire « Delphine Boël ». Outre la médiatisation de l’affaire, cet arrêt revêt une place importante dans la jurisprudence de la Cour en matière de filiation.

Rappel de la procédure suivie

En 2013, Delphine Boël avait saisi le Tribunal de première instance de Bruxelles, souhaitant faire établir la paternité du Roi Albert II à son égard, en vertu de l’article 322 du Code civil. Préalablement à cette action, elle devait néanmoins contester la paternité légale qui avait été établie à sa naissance dans le chef de l’époux de sa mère, conformément à l’article 318, §1er, du Code civil.

Cette action en contestation se heurtait toutefois à deux obstacles : d’une part, au fait qu’elle n’est recevable qu’en l’absence d’une possession d’état entre l’enfant et son père légal (Par possession d’état, il faut entendre le fait, pour le mari de la mère, de se comporter comme le père de l’enfant) ; d’autre part, au fait qu’elle ne peut intervenir que dans un délai bien précis lorsqu’elle est introduite par l’enfant lui-même. L’enfant ne peut en effet agir en contestation de paternité qu’endéans deux périodes: soit entre le jour où il a atteint l'âge de douze ans et celui où il atteint l'âge de vingt-deux ans, soit dans l'année de la découverte du fait que le mari de sa mère n'est pas son père.

Constatant que l’action en contestation de paternité de Mme Boël avait été introduite en dehors des délais prescrits par le Code civil, et que cette dernière avait vécu en considérant l’époux de sa mère comme son père durant de nombreuses années, le Tribunal de la famille saisi de la demande avait néanmoins, avant de se prononcer définitivement, décidé de poser deux questions préjudicielles à la Cour constitutionnelle : l’une concernant la constitutionnalité de cette possession d’état érigée en fin de non-recevoir par le Code civil, l’autre concernant la constitutionnalité du délai d’action en contestation de paternité de l’enfant.

L’arrêt n° 18/2016 de la Cour constitutionnelle

Concernant la possession d’état, sans surprise, la décision de la Cour constitutionnelle s’inscrit dans la lignée de sa jurisprudence actuelle (arrêts n°20/2011 du 3 février 2011, n°122/2011 du 7 juillet 2011, n°29/2013 du 7 mars 2013, n°96/2013 du 9 juillet 2013, n°105/2013 du 9 juillet 2013, n°147/2013 du 7 novembre 2013, n°127/2014 du 19 septembre 2014, n°139/2014 du 25 septembre 2014, n°35/2015 du 12 mars 2015 ; cfr newsflash du 23 mars 2015). La Cour conclut ainsi qu’en érigeant cette possession d’état en fin de non-recevoir absolue, l’article 318, §1er, du Code civil viole l’article 22 de la Constitution, combiné avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, et ce, même si l’enfant a laissé perdurer la possession d’état après avoir appris que son père légal n’était pas son père biologique, en ce qu’elle empêche irrémédiablement le juge de tenir compte des intérêts de toutes les parties concernées.

Concernant les délais d’action de l’enfant en matière de contestation de paternité, la Cour considère que l’article 318, §2, du Code civil porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de l’enfant, en raison du court délai de prescription qui pourrait le priver de la possibilité de saisir un juge susceptible de tenir compte des faits établis ainsi que de l’intérêt de toutes les parties concernées, et notamment l’intérêt supérieur de l’enfant à connaître ses origines. Ce dernier intérêt doit, selon la Cour, primer sur toute autre considération, en ce compris le principe de la paix des familles et la sécurité juridique des liens familiaux.

L’article 318, §2, du Code civil viole donc également, selon la Cour, l’article 22 de la Constitution, combiné avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

S’il est vrai que la Cour avait déjà statué en sens inverse, estimant que les délais de forclusion prévus par le Code civil n’étaient pas contraires aux droits fondamentaux précités (Arrêts n°165/2013 du 5 décembre 2013 et n° 118/2014 du 17 juillet 2014), il s’agissait de situations dans lesquelles la Cour devait se prononcer sur des actions introduites par les parents (biologiques, revendiquants, ou légaux) et non par l’enfant lui—même.

Par cet arrêt, la Cour constitutionnelle persiste et signe: l’intérêt supérieur de l’enfant demeure une notion essentielle qui doit impérativement primer dans la balance des intérêts en présence, particulièrement dans les actions concernant l’établissement ou la contestation de filiation.

Un dernier point du raisonnement de la Cour demeure cependant interpellant. En effet, cette dernière ajoute, à la fin de l’arrêt commenté, que l’interdiction pour l’enfant de contester une paternité établie par présomption au-delà de ses 22 ans n’existerait pas pour contester une paternité établie hors mariage, par reconnaissance (L’enfant dont la filiation paternelle a été établie par reconnaissance, et non par présomption de paternité, peut en effet contester celle-ci sur base des articles 330 et 331ter du Code civil), et qu’il en découlerait une différence de traitement injustifiée et discriminatoire. A ce sujet, il convient de noter que le raisonnement de la Cour pose question, dans la mesure où les textes actuels des articles 318 et 330 du Code civil prévoient pourtant, exactement les mêmes délais de forclusion pour chacune des procédures (Cette mise en conformité des deux textes était d’ailleurs de l’un des objectifs annoncés de la réforme du 1er juillet 2006, le projet de loi initial ayant même prévu un seul et unique article commun aux deux procédures Le législateur a finalement opté pour une scission des articles, mais uniquement pour des raisons de lisibilité, ayant conservé le même libellé de textes.). Si cela n’était en effet pas le cas dans la version antérieure des textes (L’article 330 ne prévoyant aucun délai spécifique et renvoyant donc au délai de prescription ordinaire de 30 ans en matière de filiation), les dispositions ont pourtant été modifiées par la loi du 1er juillet 2006 (entrée en vigueur le 1er juillet 2007, donc antérieurement à l’action de Mme Boël).

Est-ce à dire qu’il y aurait lieu, en raison des dispositions transitoires de ladite loi, de prévoir que ces délais n’étaient pas applicables au cas d’espèce, la législation antérieure restant d’application ? Dans l’affirmative, devrait-on considérer qu’il faut prendre en considération la date de la naissance de l’enfant pour déterminer la législation applicable in tempore ? Ou celle de la découverte de l’absence de filiation ?

La Cour ne le mentionne nullement, et parle simplement de l’article 330 « tel qu’inséré par la modification législation de 31 mars 1987 ».

Le développement de cette question de discrimination tient en une phrase, selon nous un peu laconique, et permet difficilement de comprendre le raisonnement de la Cour sur ce point. Ainsi, la question de savoir si la discrimination évoquée vaut dans l’absolu, ou uniquement dans le cas d’espèce, et pour quelles raisons, reste donc ouverte.

En tout état de cause, l’on comprend que la Cour a souhaité condamner le délai fixé par le Code civil pour permettre à un enfant de contester la filiation légalement établie.

Catherine de Bouyalski (Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.) et Coline Maton (Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.)
Avocates
Tél. : +32(0)2/894 45 70

AVOCATS ALTEA

Altea regroupe des avocats hautement spécialisés en :

- Droit public constitutionnel et administratif;
- Droit des étrangers et droit international privé de la famille.

Le cabinet se veut accessible.

Les expertises d'Altea sont complémentaires et ses avocats se réunissent autour de la défense des droits humains.

ADRESSE ET CONTACT

Boulevard Louis Schmidt 56, 1040 Etterbeek - Belgique

+32(0)2 894 45 70