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Actualités


CEDH Belgique- avocat

Nouvelle condamnation de la Belgique pour carence dans le traitement d’une demande de séjour pour raisons médicales — l’écho de Paposvhili continue

Par un arrêt Sahili c. Belgique (n° 24421/20) rendu ce 9 octobre 2025, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) constate une violation de l’article 8 de la Convention en raison de l’absence de décision définitive — depuis 2010 — sur une demande de séjour pour raison médicale introduite par un ressortissant kosovar gravement malade.

La Cour déplore le « ping-pong procédural » entre l’Office des étrangers et le Conseil du contentieux des étrangers, marqué par des annulations ou retraits successifs, et souligne l’impact de l’incertitude prolongée sur la vie privée du requérant. Le grief au titre de l’article 3 (risque en cas d’éloignement) est déclaré irrecevable, faute d’une mesure d’éloignement effective. Enfin, au titre de l’article 46, la Belgique est invitée à prendre dans un délai raisonnable toutes les mesures nécessaires pour qu’une décision définitive soit rendue sur la demande. Aucune satisfaction équitable n’est accordée (la Cour ne peut ordonner la délivrance du titre de séjour).

Cette décision s’inscrit directement dans la continuité de l’arrêt Paposvhili c. Belgique (Grande Chambre, 13 décembre 2016, n° 41738/10), qui avait posé des jalons essentiels dans la protection des étrangers gravement malades contre l’éloignement.

Les faits et la procédure

Le requérant, de nationalité kosovare et domicilié à Verviers, souffre d’une pathologie grave et présente un risque suicidaire.

Le 27 septembre 2010, il introduit une demande de séjour de plus de trois mois sur base de l’article 9ter de la loi du 15 décembre 1980, invoquant l’absence d’accès à des soins adéquats dans son pays d’origine.

Entre 2012 et 2024, l’Office des étrangers rend neuf décisions au fond (six annulées par le Conseil du Contentieux des Etrangers (CCE), trois retirées par l’Office des Etrangers (OE)), et plusieurs ordres de quitter le territoire sont retirés ou annulés. En septembre 2024, aucune décision définitive n’avait encore été rendue.

La requête est portée devant la CEDH le 17 juin 2020. L’arrêt est rendu le 9 octobre 2025.

Décision strasbourgeoise

La Cour considère que l’absence durable d’une décision définitive, malgré les nombreux allers-retours entre les autorités internes, constitue une carence de l’État dans l’exécution diligente de la procédure. Le requérant, en vivant dans l’incertitude prolongée quant à sa situation, a vu sa vie privée fragilisée, notamment dans l’accès aux soins, à la stabilité sociale et à une vie familiale apaisée (violation du droit au respect de la vie privée)

La Cour demande à la Belgique de prendre dans un délai raisonnable toutes les mesures nécessaires afin que soit rendue une décision définitive sur la demande 9ter introduite par le requérant. Elle ne peut imposer la délivrance du titre de séjour ni accorder une compensation pour frais ou dépens.

Le lien avec Paposvhili

Dans l’affaire Paposvhili c. Belgique, la Cour avait jugé que l’État ne peut éloigner un étranger gravement malade lorsqu’il existe des motifs sérieux de croire que son état de santé s’aggraverait gravement, rapidement et de façon irréversible en raison de l’absence de traitements adéquats dans le pays de destination. Ce seuil, plus souple que le seul risque de mort imminente, devait être apprécié avec rigueur par les autorités nationales.

L’arrêt Paposvhili a ainsi renforcé la responsabilité des autorités nationales dans l’évaluation souveraine des risques liés à un renvoi, en leur imposant de fonder leur décision sur des éléments médicaux, une analyse approfondie du contexte et le principe de proportionnalité — sous le contrôle de la CEDH.

L’arrêt Sahili qui s’inscrit quant à lui dans une situation de stagnation procédurale prolongée, affirme que la Belgique ne peut tolérer des durées extrêmement longues sans décision sur les demandes de séjour pour raisons médicales, sous peine de méconnaissance des obligations procédurales issues de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. Il rappelle aussi que le simple fait que des procédures existent (via l’Office des étrangers, le CCE) ne dispense pas les autorités de rendre une décision dans un délai raisonnable.

Ce que cela implique pour les demandes de séjour pour motifs médicaux en Belgique (9ter)

Cet arrêt impose à l’État belge de revoir ses pratiques (voire sa législation) pour éviter les blocages procéduraux injustifiés dans le traitement des demandes 9ter.

Les juges belges auront un rôle accru pour exiger des décisions motivées, fondées sur des éléments médicaux pertinents, et pour sanctionner les détournements de procédure. En effet, les étrangers gravement malades ne peuvent être soumis à une incertitude prolongée et leur vulnérabilité impose une protection renforcée.

En conséquence, il devient encore plus urgent d’évaluer si le cadre actuel est conforme aux exigences de la Convention et à la jurisprudence de la CEDH.

A notre estime, une refonte structurelle s’impose dans le sens d’un décloisonnement des procédures

Aujourd’hui, les parcours des personnes étrangères malades se heurtent à une mosaïque d’autorités et de contentieux — Office des étrangers, CCE, juridictions du travail, autorités médicales — sans coordination ni vision d’ensemble. Cette fragmentation alimente les lenteurs, les incohérences et, trop souvent, la négation concrète des droits fondamentaux.

Les deux régimes distincts du droit d’asile d’une part et de la procédure de séjour pour raisons médicales d’autre part,  bien qu’animés par la même finalité de protection des personnes exposées à des risques graves, demeurent traités dans des ornières : d’un côté, la crainte de persécution ou de traitements inhumains, de l’autre, la gravité d’un état de santé et l’inaccessibilité des soins adéquats.

Cette séparation artificielle conduit souvent à une double vulnérabilité : le demandeur d’asile gravement malade peut se voir refuser une protection internationale au motif que son risque relève de la santé, tandis que sa demande 9ter est examinée (parfois des années plus tard) sans lien avec l’analyse du droit de la protection internationale et toutes les garanties procédurales qui l’accompagnent.

Or, la jurisprudence Paposvhili avait précisément appelé à une approche globale du risque en obligeant une lecture convergente des articles 3 et 8 de la Convention.

Un décloisonnement effectif supposerait de repenser la loi pour que les autorités d’asile, l’office des étrangers et la juridiction de recours, le Conseil du Contentieux des étrangers puissent articuler leurs évaluations, partager l’expertise médicale, et reconnaître la continuité des protections offertes par le droit d’asile et par le droit au séjour médical.

Ce serait à notre estime la seule voie pour rétablir l’unité de sens du principe de non-refoulement, qui ne dépend pas de la porte procédurale empruntée, mais de la gravité humaine du risque encouru.

À l’instar de ce que défendent plusieurs réseaux européens de praticiens et d’organisations (comme l’Equality Law Clinic et la Refugee Law Clinic de l’Université Libre de Bruxelles), il est temps de sortir d’une logique purement verticale où chaque acteur agit dans son couloir, sans regard pour les effets cumulés de ses décisions. Le droit à la vie privée, à la santé et à la dignité impose une approche intégrée et transversale.

La CEDH, par cet arrêt du 9 octobre 2025, rappelle que l’effectivité du droit ne se décrète pas : elle se construit par la cohérence et la coopération. La Belgique doit désormais s’inspirer de cette exigence pour garantir aux étrangers malades non seulement le droit d’être entendus, mais surtout celui d’obtenir enfin une décision juste, rapide et humaine.

Céline Verbrouck
Spécialiste en droit des étrangers et droit international privé de la famille
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