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Actualités


Le séjour temporaire lié à un changement de statut et l’accès à la nationalité

Le séjour temporaire lié à un changement de statut et l’accès à la nationalité

En matière d’acquisition de nationalité, le Code de la nationalité prévoit que l’étranger doit avoir fixé sa résidence principale en Belgique sur la base d’un séjour légal pendant une durée déterminée (5 ou 10 ans).

Plus précisément, l’article 7bis, § 2 du Code requiert une double condition de séjour : d’une part, l’étranger doit avoir été admis ou autorisé au séjour illimité au moment de l’introduction de la demande, et d’autre part, l’étranger doit avoir été admis ou autorisé au séjour de plus de trois mois, pour la période qui précède la demande. La loi a confié au Roi le soin d’établir la liste des titres de séjours valables pour remplir ces deux conditions (v. arrêté royal du 14 janvier 2013 portant exécution de la loi du 4 décembre 2012 modifiant le Code de la nationalité belge afin de rendre l’acquisition de la nationalité belge neutre du point de vue de l’immigration).

L’article 7bis, § 2 en son alinéa 2, précise le caractère déclaratif du séjour des citoyens de l’Union et des membres de leur famille prenant en compte pour ceux-ci, dans le calcul de la longueur du séjour légal, la période entre la date d’introduction de la demande de regroupement familial et la date à laquelle le droit de séjour est octroyé. Cette période est couverte par la délivrance d’un document de séjour temporaire (l’« annexe 19ter et l’« attestation d’immatriculation ») qui sont clairement comptabilisés comme un « titre de séjour légal » au sens de l’article 7bis, §2 par l’article 4 de  l’arrêté royal précité).

La même précision (et donc l’effet déclaratif du séjour) n’est par contre pas considérée de la même manière dans le Code de la nationalité pour les membres de la famille de Belges. L’arrêté royal du 14 janvier 2013 précité ne vise donc pas expressément l’attestation d’immatriculation délivrée aux membres de famille de Belges comme étant un titre de séjour légal.

Ainsi, se pose la question suivante : la différence de traitement entre un membre de famille d’un Belge  et un membre de famille d’un Européen crée-t-elle une discrimination injustifiée en ce que pour le premier, le Code de la nationalité n’indique pas explicitement qu’il faille prendre en compte, pour la durée de séjour légal requis, la période située depuis la demande de séjour et l’octroi de celui-ci, au contraire du second ? Malgré un arrêt de la Cour constitutionnelle n° 77/2021 du 27 mai 2021, la question ne semble pas définitivement réglée.

L’affaire soumise à la Cour Constitutionnelle s’inscrit dans la situation particulière d’un changement de statut. Il s’agit d’une ressortissante étrangère qui bénéficiait d’un séjour en tant qu’épouse d’un ressortissant de pays tiers en séjour légal en Belgique. Elle bénéficiait, à ce titre, d’une carte A qui était prolongée chaque année. Au milieu de la validité de sa carte A, son époux est devenu Belge. Elle a alors introduit une demande de changement de statut pour bénéficier d’un séjour en tant que membre de famille d’un Belge (carte F). Le délai de traitement de cette demande a dépassé la durée de validité de sa carte A mais, dans l’intervalle, l’intéressée a reçu une attestation d’immatriculation qui la couvrait donc légalement dans l’attente de la réception de sa nouvelle carte F. Lorsqu’elle a effectué une déclaration de nationalité belge sur base de l’article 12bis, § 1er, 3°, du Code de la nationalité belge, le procureur du Roi a émis un avis négatif considérant que son séjour légal aurait été interrompu pendant la période où elle possédait une attestation d’immatriculation, celle-ci n’étant pas expressément considérée comme un titre de séjour légal par l’arrêté royal précité.

Dans son arrêt, la Cour constate que l’effet juridique de ce hiatus n’est pas pertinent au regard des objectifs poursuivis par la loi lorsque le demandeur séjourne légalement sur le territoire durant cette période intermédiaire. Par ailleurs, la Cour indique que ce hiatus n’est pas imputable au comportement du demandeur, à sa négligence ou encore lié à son manque d’intégration mais résulte de la conjonction de normes et de délais différents. La Cour fait à cet égard le parallèle avec le régime d’absence prévu au § 3 de l’article 7bis, selon lequel « le caractère ininterrompu du séjour n’est pas affecté par des absences temporaires de six mois maximum pour autant que ces absences ne dépassent pas au total une durée d’un cinquième du délai de séjour requis ».

Ainsi, la Cour conclut que l’interruption du caractère légal du séjour résultant de l’article 7bis, § 2 du Code de la nationalité belge produit des effets disproportionnés en ce que ce hiatus entraîne la suppression de la prise en compte du délai de séjour légal déjà constitué en vue de l’acquisition de la nationalité, et non la suspension de celle-ci.  Selon elle, une sanction d’une telle sévérité ne constituerait une justification raisonnable que si celle-ci était imputable au choix du demandeur lui-même. Dans cette mesure, la Cour a jugé l’article 7bis, § 2 incompatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

La Cour nous enseigne donc qu’il faut examiner in fine les effets disproportionnés qu’engendrerait une interruption de séjour légal au sens du Code de la nationalité en cas de changement de statut et ce, indépendamment du fait que le titre de séjour octroyé à cette occasion soit ou non listé à l’article 4 de l’arrêté royal du 14 janvier 2013.

Dans la pratique, la solution proposée par la Cour peut s’appliquer à d’autres types de situations d’interruption dans les titres de séjours considérés comme valables au sens du Code de la nationalité. On songe par exemple, à l’hypothèse d’un changement de statut lié au passage d’un statut d’étudiant vers un permis unique (couvert par la délivrance d’une annexe 49) ou à celle des bénéficiaires de l’accord de retrait entre le Royaume-Uni et l’Union européenne (mis en possession d’une annexe 56 ou 57 dans l’attente de la délivrance de leur carte M).

Pourrait-on même aller plus loin encore, et déduire de cet arrêt que les périodes de latence entre deux droits au séjour devraient être prises en considération même lorsqu’elles ne sont pas couvertes par un titre de séjour temporaire? Cela peut se défendre. Une telle situation arrive parfois, par exemple, pour des étudiants en séjour légal se retrouvant dans l’attente de la délivrance de leur carte professionnelle au moment de l’expiration de leur carte de séjour, mais qui ont bel et bien introduit leur demande de changement de statut avant l’expiration de leur séjour précédent.

De plus, force est de constater que par la solution qu’elle propose, la Cour arrive, indirectement aux mêmes effets que ceux résultant de l’application du principe de l’effet déclaratif du droit de séjour d’un membre de la famille de Belge. Ainsi, la question de la prise en considération du séjour temporaire délivré dans l’attente d’une carte F en tant que membre de famille d’un Belge, même lorsqu’il s’agit d’une première demande, reste selon nous ouverte.  

Céline Verbrouck
Avocate associée Altea
Spécialiste en droit des étrangers et droit international privé familial

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