Depuis une loi du 19 janvier 2012 modifiant la loi du 15 décembre1980 «sur les étrangers», le Commissariat Général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA) a la possibilité de ne pas prendre en considération une demande de protection internationale introduite par un ressortissant originaire d’un pays présumé «sûr».
La loi prévoit que la liste des «pays d’origine sûrs» s’établit au moins une fois par an, par arrêté royal, sur proposition conjointe du secrétaire d’État en charge de l’asile et du ministère des affaires étrangères.
Depuis l’entrée en vigueur de la loi, l’Albanie a été reprise chaque année sur la liste, jusqu’à ce que le Conseil d’État sanctionne cette situation et annule partiellement l’arrêté royal en tant qu’il reprend l’Albanie dans la liste, considérant que le taux de reconnaissance du statut de réfugié pour cet État est élevé. Il estime en outre que «la circonstance que de nombreuses décisions d'octroi d'un statut de protection seraient motivées par la problématique des vendettas ne relativise en rien l'importance du nombre de reconnaissances».
Le 3 août 2016, conformément à l’adaptation annuelle prévue, une nouvelle liste a été adoptée, et est entrée en vigueur le 29 août 2016.
Cette nouvelle liste qualifie les pays suivants de « sûrs » : L’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, le Kosovo, la Serbie, le Monténégro, l’Ancienne République Yougoslave de Macédoine, l’Inde et la Géorgie.
Malgré la sanction du Conseil d’État dans son dernier arrêt du 23 juin 2016, le gouvernement belge n’en démord donc pas, et a remis l’Albanie sur la liste.
Le Gouvernement justifie cette réinscription de trois façons :
- le taux de reconnaissances ne serait pas repris par la loi du 19 janvier 2012 comme critère d’appréciation du caractère « sûr » d’un État
- le nombre de reconnaissances du statut de réfugié serait en baisse en Albanie par rapport à 2014
- la situation en Albanie se serait considérablement et durablement améliorée suite aux efforts des autorités albanaises par rapport notamment à la problématique des vendettas.
Autre nouveauté inscrite à l’initiative du secrétaire d’État Theo Francken (N-VA), et malgré l’opposition du CGRA lui-même : la Géorgie apparait désormais sur la liste des pays sûrs, au motif notamment que cet État se retrouverait déjà sur les listes de pays « sûrs » établie par d’autres États comme la France et la Bulgarie.
Sur son principe, le refus de prise en considération d’une demande de protection internationale fondé sur une simple présomption continue de faire débat. Il est, selon nous, contraire au principe de l’examen individuel d’une demande de protection internationale.
Par ailleurs, l’on ne manquera pas de relever la façon dont le gouvernement belge choisit sciemment d’ignorer l’enseignement du Conseil d’État. Il est fort à parier qu’un nouveau recours soit par conséquent introduit contre ce nouvel arrêté royal. À suivre…
Céline Verbrouck (
Avocates
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