Le Conseil d’État ouvrirait-t-il une brèche dans le caractère strict de l’exigence d’envoi des actes de procédure exclusivement par recommandé postal ? Malgré un arrêt intéressant, la prudence doit rester de mise…
Suite au rejet d’une requête en suspension introduite en extrême urgence, une partie requérante demande la poursuite de la procédure sur la base de l’article 17, §7 des lois coordonnées le 12 janvier 1973 sur le Conseil d’État. Alors qu’il est exigé que la demande de poursuite de la procédure soit introduite par un envoi recommandé, la partie requérante la sollicite par courrier ordinaire. Malgré le défaut d’accomplissement de la formalité d’envoi recommandé, le courrier s’est étonnamment vu apposer la mention « recommandé avec accusé de réception ». Dans un arrêt NV Kantoorinrichting Stulens n°229.189 du 18 novembre 2014 rendu par la XIIème chambre, le juge administratif, après avoir rappelé la sévérité de sa jurisprudence traditionnelle, fait référence à des arrêts plus récents qui, se fondant sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme en matière d’accès à la justice, ont nuancé la nécessité d’un envoi recommandé lorsqu’au regard de la situation concrète, une date certaine était acquise quant au jour de l’envoi. Procédure également particulière, l’affaire a été renvoyée au Président du Conseil d’État qui, sur la base de l’article 92 des lois coordonnées sur le Conseil d’État, afin d’assurer l'unité de la jurisprudence, pourra décider de son renvoi à l’assemblée générale de la section du contentieux administratif qui aura alors à trancher la question.
Alors que le Conseil d’État s’était toujours montré intransigeant sur la formalité d’envois recommandés conférant date certaine à la requête, cet arrêt ne constitue qu’une demi-surprise eu égard à l’évolution des services postaux au sens large mais aussi à la mise en place de la procédure électronique devant le Conseil d’Etat. Depuis le 1er février 2014, l’arrêté royal du 13 janvier 2014 permettant aux avocats qu’aux personnes agissant en leur nom propre d'utiliser cette procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d’État, alternativement à l’usage des services postaux (et de la voie du recommandé). Cette évolution procédurale importante pourrait permettre l’amorce d’un assouplissement de la jurisprudence traditionnelle du Conseil d’État relative à l’autre voie de communication avec la juridiction, comme peut le laisser penser l’arrêt ici évoqué. Il convient, néanmoins, de rester extrêmement prudent, avant de tirer des enseignements plus durables de l’arrêt évoqué dans les présentes lignes, aussi longtemps que l’assemblée générale de la section du contentieux administratif du Conseil d’État n’a pas dit son dernier mot.
Sophie Vincent (
et Michel Kaiser (
Avocats
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